Somnifères, anxiolytiques : attention aux effets secondaires des benzodiazépines
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Les personnes âgées ont une consommation importante de somnifères et d’anxiolytiques, notamment de benzodiazépines. Pourtant, ces médicaments engendrent rapidement une dépendance et leurs effets indésirables ne sont pas négligeables. Comment agir pour diminuer ou arrêter leur consommation ?
Somnifères, anxiolytiques, benzodiazépines : de quoi parle-t-on ?
Les somnifères et les anxiolytiques prescrits aux personnes âgées sont le plus souvent des benzodiazépines ou médicaments apparentés.
Les benzodiazépines, qui font l'objet d'une prescription médicale, sont des médicaments psychotropes, au même titre que les antidépresseurs et les neuroleptiques. Les psychotropes agissent sur le système nerveux central, en modifiant certains processus biochimiques et physiologiques du cerveau.
Les benzodiazépines et médicaments apparentés sont habituellement prescrits pour leur effet hypnotique, comme somnifères, ainsi que pour leur effet anxiolytique. Le but est de soulager les symptômes d’anxiété et les troubles du sommeil, et d’en diminuer les conséquences physiques, psychiques et relationnelles.
Voici une liste des benzodiazépines et médicaments apparentés parmi les plus prescrits en France : Alprazolam, Oxazépam, Zolpidem, Bromazépam, Lorazépam, Zopiclone, Prazépam, Diazépam (nous utilisons ici le nom de la molécule, pas le nom commercial du médicament).
Une efficacité sur une courte durée
Les benzodiazépines ne sont efficaces sur les troubles du sommeil que sur de courtes durées. Il est ainsi recommandé de ne pas dépasser 4 semaines de traitement pour les troubles du sommeil et 12 semaines pour les symptômes anxieux. Au-delà, l’efficacité des benzodiazépines diminue et le patient s’expose à un risque de dépendance physique et psychique ce qui rend leur arrêt particulièrement difficile.
C’est pourquoi les benzodiazépines utilisées comme somnifères peuvent être efficaces en cas d’insomnie ponctuelle, mais elles ne permettent pas de traiter l’insomnie chronique.
Des effets secondaires importants
Les personnes âgées sont généralement plus sensibles aux effets indésirables des médicaments psychotropes que des personnes plus jeunes.
Parmi leurs principaux effets indésirables, les benzodiazépines et médicaments apparentés peuvent favoriser :
- des troubles de la vigilance,
- des troubles de la mémoire,
- des chutes et des accidents,
- des fausses routes,
- des troubles du comportement.
Chez les personnes âgées, ces effets indésirables peuvent entraîner une perte d’autonomie.
Un risque de dépendance
Les benzodiazépines peuvent engendrer rapidement une dépendance physique et psychique. Les personnes qui en sont dépendantes consomment des benzodiazépines au long cours bien que seuls leurs effets indésirables persistent, sans efficacité sur les symptômes pour lesquels elles avaient été initialement prescrites.
Les situations suivantes peuvent alerter sur un risque de dépendance :
- consommation de benzodiazépines au-delà de la durée maximale recommandée, parfois pendant plusieurs années ;
- recours aux benzodiazépines pour mener à bien des activités de la vie quotidienne ;
- poursuite de la consommation de benzodiazépines sans qu’il y ait plus d’indication médicale à celle-ci ;
- demandes de plus en plus fréquentes de renouvellements de prescriptions, voire sollicitation de plusieurs médecins pour obtenir ces prescriptions ;
- anxiété à l’idée de ne pas disposer d’une quantité suffisante jusqu’à la prochaine prescription ;
- augmentation progressive de la consommation.
Comment agir sur la consommation de somnifères et d’anxiolytiques ?
Déterminer les causes de l’anxiété et des troubles du sommeil
Il est important de déterminer les raisons médicales de l’anxiété et des troubles du sommeil. Par exemple, une dépression peut être en être la cause (la dépression chez les personnes âgées est sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée). Il convient d’en parler avec son médecin traitant, car la dépression nécessite un traitement spécifique différent des anxiolytiques et des somnifères.
Privilégier l’approche non médicamenteuse
Plutôt que de recourir aux médicaments, les troubles du sommeil et l’anxiété peuvent être traités par des stratégies non médicamenteuses.
L’apprentissage de méthodes de relaxation et de gestion du stress ainsi que la psychothérapie peuvent remplacer efficacement la consommation de benzodiazépines.
Des mesures hygiéno-diététiques simples peuvent également améliorer la qualité du sommeil :
- éviter les siestes de plus de 30 minutes ou trop tardives (après 16 heures) ;
- s’endormir et se lever à heures fixes. Pour les personnes âgées, retarder l’heure du coucher.
- éviter le bruit, la lumière (téléphone et télévision) et une température excessive dans la chambre à coucher (la température doit idéalement être inférieure à 18 degrés) ;
- éviter la caféine, l’alcool et la nicotine ;
- pratiquer un exercice physique dans la journée, mais pas dans les 4 heures précédant le coucher ;
- éviter les repas trop copieux ou trop gras le soir ;
- prendre un bain chaud 1 à 2 heures avant le coucher ;
- si l’endormissement n’est pas survenu 15 minutes après le coucher, se relever et aller dans une pièce peu éclairée et réessayer après 20 minutes ;
- tenir un agenda du sommeil : noter les temps de sommeil (siestes…), ce qu’on a fait avant de dormir et tenter de comprendre pourquoi on ne dort pas.
Respecter la durée de traitement
Lorsqu’une personne commence un traitement par benzodiazépines, il est essentiel de la sensibiliser à l’importance du respect de la durée de traitement, à savoir qu’il ne s’agit que d’une prescription temporaire. Le sevrage progressif puis l’arrêt du traitement doivent être envisagés dès son instauration.
Essayer d’arrêter ou de diminuer les doses consommées
L’arrêt doit toujours se faire progressivement, avec une diminution progressive des doses, sur une durée allant de quelques semaines à plusieurs mois à domicile ou dans le cadre d’une hospitalisation en fonction des situations. Cette réduction progressive de la consommation en benzodiazépines doit se réaliser sous surveillance médicale, notamment avec l’appui du médecin traitant, afin de prévenir la survenue de symptômes de sevrage.
Le syndrome de sevrage en benzodiazépines peut en effet avoir des conséquences graves. Ses manifestations vont des sueurs, des palpitations et des tremblements jusqu’à la survenue de crises convulsives, d’un état confusionnel, voire du décès.
Si un arrêt total des benzodiazépines n’est pas envisageable par le patient, il est tout de même conseillé de diminuer au maximum le niveau des consommations afin de limiter les effets indésirables.
Illustration : la situation de Madame Z., 81 ans
Madame Z. a 81 ans. Elle vit seule depuis le décès de son mari survenu il y a 5 ans. Elle prend des somnifères avant d’aller se coucher depuis qu’elle a 55 ans sans aucun effet indésirable. Madame Z. consulte son médecin traitant pour le renouvellement de ses traitements. À cette occasion, Madame Z. signale à son médecin traitant qu’elle est gênée depuis peu par des problèmes de mémoire. Son médecin traitant l’adresse en consultation spécialisée « mémoire » avec un gériatre.
Après avoir réalisé des tests de mémoire, le médecin gériatre lui annonce qu’elle ne présente pas de signe de maladie de la mémoire, mais qu’elle a des problèmes d’attention qui expliquent ses difficultés au niveau de la mémoire.
Il constate dans l’ordonnance de Madame Z. qu’elle prend des benzodiazépines en guise de somnifères. Il interroge alors plus en détail Madame Z. sur ses troubles du sommeil. Elle lui explique qu’auparavant elle prenait des somnifères uniquement lorsqu’elle en ressentait le besoin. Depuis le décès de son époux, elle en prend avant chaque coucher, car sinon elle n’arrive pas à s’endormir et se réveille très tôt le matin. Elle lui signale cependant qu’elle en prend depuis plus de 20 ans et qu’elle n’a jamais eu d’effet indésirable avec ce traitement. Madame Z. explique également qu’elle se sent anxieuse régulièrement, qu’elle se sent souvent triste, et qu’elle n’a plus envie de sortir ou de faire des activités qu’elle aimait pourtant faire auparavant.
Le médecin comprend alors que Madame Z. présente les symptômes d’une dépression, et que ses plaintes de mémoire et l’augmentation de ses problèmes de sommeil y sont liées. De plus, le médecin lui explique qu’avec l’âge, elle tolère moins bien les benzodiazépines qu’auparavant et que ses problèmes de mémoires sont accentués par la prise quotidienne de somnifères.
Le médecin propose à Madame Z. un traitement médicamenteux et/ou d’être prise en charge par une psychologue pour la dépression. Il lui propose également d’arrêter très progressivement les somnifères pour en diminuer les effets indésirables. En effet, il est risqué d’arrêter brutalement un traitement par des somnifères, car cela peut engendrer un syndrome de sevrage (sueurs, palpitations, tremblements jusqu’à la survenue de crises convulsives, d’un état confusionnel…).
Madame Z. choisit de débuter un traitement médicamenteux de la dépression, et le médecin lui prescrit une ordonnance pour lui indiquer comment diminuer progressivement la prise des somnifères. Elle revoit son médecin traitant toutes les deux semaines afin d’assurer la bonne tolérance de son sevrage aux somnifères et de son traitement antidépresseur.
Au bout de 3 mois, Madame Z. se sent mieux : elle a réussi à arrêter de prendre des somnifères, dort mieux, et ne se plaint plus de sa mémoire. Elle a revu le médecin gériatre qui constate qu’elle n’a plus de problèmes de mémoire ou d’attention. Elle a retrouvé l’envie de sortir de chez elle et a repris des activités qui lui font plaisir.